Installation photographique, néons blancs.
Tirage argentique, montage DIASEC®.
Édition 5 exemplaires.

2004

Approcher l’animal en milieu naturel

Le sujet de la série, la meute (2004), est un groupe de loups que je photographie à différents moments. Des enfants apparaissent à l’arrière-plan au milieu des loups, acteurs d’un ballet intrigant dans un espace naturel. Les protagonistes sont mis en scène, déployés selon une gestuelle précise, et moulés dans une théâtralité figée.
Le théâtre qui se joue ici, oscille entre drame rituel et comédie. Dans ce jardin à l’orée d’une forêt, avec des loups, l’expression verrouillée et sérieuse des visages d’enfants est le premier indice déconcertant. Comment interpréter à la fois la gravité des personnages et le jeu des loups entre eux ?
Des écrans de verre transparents disposés dans l’espace (sortes de praticables translucides) presque indécelables, disposés en profondeur, divisent comme dans un feuilletage, les plans de la scène. Il y a incohérence, contradiction, énigme et opacité tandis que, à priori, tout concourt à une vision réaliste à partir des éléments fournis.
Et si l’on se rend compte que ces loups ne sont pas des loups dressés ou des animaux dans une réserve en semi-liberté, on réalise alors qu’il s’agit de bêtes figées dans des poses identiques. Ainsi, d’une image à l’autre, leurs postures se copient. Car il s’agit bien de trois loups naturalisés, placés dans un espace naturel.
Le loup du taxidermiste devient un loup vivant dans un milieu naturel. Ce qu’on lui demande c’est si possible d’être aussi beau que nature. Je ne photographie que pour fixer ce passage. La mise en scène consiste alors, à créer les conditions de cette transformation.
La perturbation consiste, dans mon travail, en un retournement.
Un retournement, comme on retourne un gant, qui reprendra après coup son aspect initial ou comme on le fait d’une boîte dont le contenu va se déverser sur la table, pour être rangé à nouveau. L’ordre naturel est ainsi perturbé, car l’opération est à tout moment réversible. Réalité au départ, réalité à l’arrivée, même si entre les deux une mutation profonde a eu lieu, mutation dont le cliché photographique constitue le témoignage.
Ce qui compte ici, c’est « le sentiment de réalité », comme une fiction qui en arriverait à se rêver et à se faire vraie.

Hélène Benzacar