Installation photographique, 9 photographies 50 cm x 50 cm Tirage argentique, caissons lumineux
Édition 5 exemplaires.

2014

Neuf portraits de femmes aux prénoms bibliques…

Depuis plusieurs années, j’utilise des animaux empaillés dans ma pratique photographique. Figés dans la pose, préservés des ravages du temps, ils rappellent l’immobilité de la photographie.

Neuf portraits de femmes aux prénoms bibliques (Judith, Bethsabée, Salomé, Rébecca, Bérénice, Suzanne, Marie, Elisabeth, Hélène) ont été installés dans la chapelle Notre-Dame de Lorette. Une abeille naturalisée a été piquée sur les vêtements de chacune d’elles. Il s’agit bien sûr d’une illusion. Le « faire-vivant » de la photographie renvoie au côté ironique de la ressemblance pour satisfaire cet ancien principe de la mimésis selon lequel la vérité de l’art réside dans sa capacité à tromper le spectateur. C’est la fable de Zeuxis, qui peignait des raisins capables d’abuser les oiseaux au point qu’ils essayaient de les manger. Cependant, sous certains angles, l’abeille donne l’impression de n’être pas vivante (l’épingle, même très fine, laisse voir sa tête). Le côté figé de la pose mortifie le sujet. Alors que les liens de la photographie avec l’art funéraire, le deuil et la mélancolie ont souvent été soulignés, mon travail privilégie les aspects artificiels, construits et ludiques de la photographie dans la production de l’effet de ressemblance. Je laisse toujours des indices des mises en scène, pour contrecarrer l’illusion. Les abeilles piquées d’aiguilles argentées sur les vêtements sont de discrets indices du montage. La photographie est ici de l’ordre de la genèse, de la gestation active, du processus, du faire. Elle expose ses moyens.
Travailler in situ, c’est aussi prendre en compte les spécificités du lieu : une chapelle dédiée aux femmes dont les ex-voto, accumulés près de l’autel, témoignent de leur passage. Les neuf caissons lumineux se font face comme réponse aux vitraux transparents. Neufs plaques de marbre blanc, gravées aux prénoms des femmes accompagnent les textes déjà installés des « remerciements ». Le son enregistré d’un bourdonnement continu complète l’installation La cire, matériau malléable des ex-voto fait quant à elle, le lien entre les abeilles naturalisées des portraits de la chapelle et les collections d’entomologie du Musée des Sciences Naturelles d’Angers, où d’autres photographies : « Portraits de famille » sont également exposés tout l’été, collés au fond des boîtes d’entomologie, piqués, résignés, figés, ils reprennent vie soudain sous la lumière.

Hélène Benzacar